Les abeilles en danger, de nombreux facteurs sont mis en cause

Des produits chimiques à la pollution atmosphérique, un nouveau rapport du PNUE pointe de multiples facteurs pour expliquer la disparition progressive de ces pollinisateurs.

Genève/Nairobi, le 10 mars 2011 – Plus d’une douzaine de facteurs (allant de la diminution globale du nombre de plantes à fleurs et de l’utilisation d’insecticides nocifs pour la mémoire des abeilles à la propagation des ravageurs et de la pollution atmosphérique dans le monde entier) pourraient se cacher derrière le déclin des colonies d’abeilles observé dans de nombreuses régions du globe.

Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Sans de profonds changements dans la façon dont l’être humain gère la planète, la disparition des pollinisateurs, indispensable pour assurer la sécurité alimentaire d’une population mondiale grandissante, risque malheureusement de continuer.

  • De nouveaux types de champignons pathogènes virulents, qui peuvent être mortel pour les abeilles et les autres principaux insectes pollinisateurs, ont été détectés dans le monde entier. Leur migration d’une région à l’autre a malencontreusement été facilitée par l’augmentation des déplacements internationaux liés à la mondialisation et à la croissance rapide du commerce international.
  • Quelques 20.000 espèces de plantes à fleurs, dont de nombreuses espèces d’abeilles dépendent pour se nourrir, pourraient disparaître au cours des décennies à venir si les efforts de conservation ne sont pas renforcés très rapidement.
  • L’utilisation excessives de produits chimiques dans l’agriculture, par exemple les insecticides systémiques, est préjudiciable et toxique pour les abeilles. Certains produits peuvent même être dévastateurs pour les pollinisateurs lorsqu’ils se combinent, ce phénomène est appelé l’«effet cocktail».
  • Le changement climatique, si l’on ne fait rien pour le contrer, pourrait encore aggraver davantage la situation, et ce de différentes manières: en modifiant les périodes de floraison des plantes, ou encore en déplaçant les saisons des pluies etc. Cela pourrait également affecter la qualité et la quantité de production du nectar par les plantes, provoquant un cercle vicieux.

Ce sont là les conclusions d’un nouveau rapport publié aujourd’hui par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), qui rassemble et analyse les dernières données scientifiques sur l’effondrement des colonies d’abeilles.

L’étude, intitulée « Global Bee Colony Disorders and other Threats to Insect Pollinators », souligne les multiples facteurs liés à l’évolution rapide des sociétés humaines qui entraînent une modification des conditions et des règles de base de la vie sur Terre. Le rapport insiste également sur la grande dépendance des humains aux services écosystémiques. La production alimentaire est l’un des nombreux secteurs clés qui pourrait être le plus affecté.

Il rappelle que les abeilles sont des indicateurs précoces de la santé de la vie animale et végétale. Des mesures pour protéger et inciter la reproduction des pollinisateurs pourraient non seulement permettre d’assurer la sécurité alimentaire, mais elles pourraient également permettre d’améliorer le sort de beaucoup d’autres espèces de plantes et d’animaux économiquement et environnementalement importantes.

Les auteurs du rapport lancent un appel aux agriculteurs et aux propriétaires fonciers afin qu’ils aident à restaurer les habitats et l’environnement des pollinisateurs (les principales plantes à fleurs et les champs à côté des cultures de production).

Il faut faire très attention aux choix et aux dates d’application des insecticides et des autres produits chimiques. Alors que les ruches bien gérées peuvent être déplacées les zones dangereuses, les populations sauvages de pollinisateurs sont totalement vulnérables, indique le rapport.

Achim Steiner, Secrétaire général adjoint de l’ONU et Directeur exécutif du PNUE, a déclaré: « La manière dont l’humanité gère ses actifs naturels, notamment ceux qui touchent aux populations de pollinisateurs, définira en partie notre avenir collectif au cours du 21e siècle. Le fait est que sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 pour cent de la production alimentaire dans le monde, plus de 70 sont pollinisées par les abeilles. Au 21e siècle, les êtres humains ont fabriqué l’illusion qu’ils pouvaient être indépendants de la nature grâce aux prouesses de la technologie. Le cas des abeilles nous rappelle à la réalité: avec près de sept milliards de personnes sur terre nous sommes au contraire beaucoup plus dépendant des services que nous offre la nature».

Les abeilles et l’économie verte

L’année prochaine tous les gouvernements se rassembleront à nouveau à Rio de Janeiro, 20 ans après le Sommet de la Terre de Rio, en vue de faire évoluer les efforts internationaux en matière de développement durable, et pour accélérer la transition vers économie verte, à faible teneur en carbone, et économe en ressources.

Cette transition devrait aussi inclure des investissements dans les services naturels générés par les forêts, offerts par les prairies fleuries, par les récifs coralliens et

par la nature du monde entier.

« Rio+20 est une occasion d’aller au-delà des définitions stéréotypées de la richesse et d’y incorporer les éléments souvent imperceptibles (comme les services naturels) mais valant des millions de dollars. La pollinisation des insectes, dont celles des abeilles, fait partie de ces services inestimables souvent oubliés dans les comptes nationaux et mondiaux », a ajouté Mr. Steiner.

Certains pays, comme le Brésil et l’Inde, ont déjà entrepris cette transition dans le cadre d’un partenariat avec le PNUE et la Banque mondiale. Il est temps d’élargir et d’intégrer ce type d’action dans l’économie mondiale afin de favoriser un gestion durable plutôt qu’une surexploitation du monde naturel dont les services des pollinisateurs font partie », a-t-il conclu.

Ce nouveau rapport sur les troubles des colonies d’abeilles a été mené par le Dr. Peter Neumann du Centre suisse de recherches apicoles, et par le Dr Marie-Pierre Chauzat de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET). L’équipe comprenait également le Dr Jeffrey Pettis du département de recherche du Département de l’Agriculture des Etats-Unis.

Le Dr. Neumann a déclaré: «La mutation de l’environnement dans les campagnes et les zones rurales qui a eu lieu au cours du dernier demi-siècle, a déclenché un déclin des populations d’abeilles sauvages (et d’autres insectes pollinisateurs).

Par conséquent, la société investit de plus en plus dans des ruches industrielles et gèrent les colonies artificiellement pour rattraper le manque à gagner. Des camions d’abeilles circulent aux alentours des fermes et des champs afin de maintenir notre approvisionnement alimentaire ».

«Ce rapport souligne que plusieurs autres facteurs rendent ces colonies artificielles de plus en plus vulnérables à la baisse et l’effondrement. Nous devons gérer ces ruches de manière plus intelligente, mais ce qui est plus important encore, c’est de gérer le paysage au-delà des ruches. C’est le seul moyen de récupérer des populations d’abeilles sauvages plus saines et à des niveaux plus soutenables », a-t-il ajouté.

Points saillants du rapport

Pertes régional

En Europe, la baisse des colonies d’abeilles artificielles remonte au milieu des années 1960. Elle s’est accélérée depuis 1998, notamment en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie, au Pays-Bas, en l’Espagne et au Royaume-Uni.

En Amérique du Nord, depuis 2004, la disparition des colonies d’abeilles domestiques a atteint des niveaux préoccupants. Le niveau des populations de ces pollinisateurs n’a jamais été aussi bas qu’au cours des 50 dernières années.

Les apiculteurs chinois, qui gèrent les espèces occidentales et orientales d’abeilles, ont récemment noté plusieurs signaux inexplicables et complexe d’altérations des colonies, et ce pour les deux espèces.

Un quart des apiculteurs au japonais ont récemment été confrontés à la perte subite de leurs colonies d’abeilles.

En Afrique, les apiculteurs qui exercent le long du Nil égyptien ont également déclaré avoir remarqué des signes précoces d’effondrement des colonies, même si à ce jour il n’y a pas d’autres réelles preuves confirmées sur le reste du continent africain.

De multiples facteurs

La dégradation de leur habitat et la perte des espèces de plantes à fleurs qui fournissent de la nourriture pour les abeilles sont les principaux facteurs expliquant le déclin des insectes pollinisateurs sauvages.

• Une étude anglo-néerlandaise a souligné que depuis les années 1980, une baisse de plus de 70 pour cent des principales espèces de fleurs sauvages a été observée (la menthe, les petits pois et la familles d’herbacées vivace font parties des plantes concernées).

La prolifération des parasites et des ravageurs, comme l’acarien Varroa connu pour se nourrir de fluides d’abeilles, est également un facteur.

  • Parmi les autres parasites on retrouve le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida), qui cause des dommages aux rayons de miel, et qui empêche le pollen d’être stocké. Endémique en Afrique subsaharienne, il s’est répandu en Amérique du Nord et en Australie et il est désormais attendu en Europe.
  • Les abeilles peuvent aussi souffrir de la concurrence des «espèces exotiques», comme l’abeille africanisée aux Etats-Unis, ou encore le frelon asiatique qui se nourrissent des abeilles européennes. Le frelon a désormais colonisé près de la moitié de la France depuis 2004.

La pollution atmosphérique peut interférer avec la capacité des abeilles à trouver des plantes à fleurs et donc des aliments pour se nourrir.

  • Les parfums des plantes qui auparavant pouvaient voyager dans un rayon de plus de 800 mètres dans les années 1800, n’atteignent désormais que 200 mètres maximum.

Les champs électromagnétiques provenant de sources comme les lignes électriques peuvent également changer le comportement des abeilles. Les abeilles y sont sensibles car ils ont de petits cristaux abdominaux qui contiennent du plomb.

  • Les herbicides et les pesticides peuvent être à la base de la réduction des fleurs et des plantes sauvages nécessaires à l’alimentation et au développement des larves de certains pollinisateurs.
  • Parmi les autres impacts on compte également l’empoisonnement des pollinisateurs et l’affaiblissement de système immunitaire des abeilles.
  • Des études en laboratoire ont montré que certains insecticides et fongicides peuvent interagir ensemble et être 1000 fois plus toxique pour les abeilles.
  • Certains insecticides, dont ceux qui sont appliqués sur les semences peuvent migrer dans la plante toute entière au fur et à mesure qu’elle grandit. D’autres, utilisés pour traiter les chats, les poissons, les oiseaux et les lapins, peuvent également faire des ravages.
  • Des études ont montré que ces produits chimiques peuvent affecter le sens de l’orientation, la mémoire et le métabolisme du cerveau chez les abeilles.

La gestion artificielle des ruches pourrait également aggraver le problème.

  • Certains des traitements des ruches contre les ravageurs peuvent effectivement être nocifs pour les abeilles. En plus de cela, l’habitude de réutiliser des équipements et de denrées alimentaires provenant de colonies morts pourrait pousser à la propagation des maladies et des produits chimiques dans de nouvelles ruches.
  • Le transport des abeilles d’une ferme à une autre afin de fournir des services de pollinisation, de moins en mois assurés par la nature elle-même, pourrait être un facteur supplémentaire. Aux États-Unis, des camions transportant jusqu’à 20 millions d’abeilles circulent régulièrement et chaque année plus de deux millions de colonies voyagent à travers le continent.
  • Les taux de mortalité d’une colonie, après les transports, peut atteindre plus de 10 pour cent des abeilles de la colonie.

Notes aux rédacteurs

Pour télécharger le rapport complet « Global Bee Colony Disorders and other Threats to Insect Pollinators » en anglais, cliquez ici [1]

Ce rapport fait partie d’une série de rapports du PNUE concernant les nouvelles problématiques environnementales émergentes. Pour avoir accès à cette série de rapport, cliquez ici[2]

Le PNUE est l’hôte d’un partenariat important intitulé « L’économie des écosystèmes et la biodiversité (TEEB) » qui a pour but d’estimer les rendements que l’économie naturelle génère pour les communautés et les pays, en vue d’améliorer la gestion de ses actifs.

Pour plus d’informations sur ce partenariat , visitez: http://www.teebweb.org/[3]

L’économie verte dans le contexte du développement durable et d’éradication de la pauvreté est l’un des deux thèmes majeurs de la Conférence des Nations Unies pour le développement durable de 2012 (CDD 2012), ou Rio +20.

Pour plus d’informations sur la CDD 2012, veuillez visiter: www.uncsd2012.org [4]

Pour l’Initiative Economie verte du PNUE, visitez: www.unep.org/greeneconomy [5]

Pour plus d’informations, veuillez contacter:

Nick Nuttall, Porte-parole et Responsable des relations media, par E-mail: nick.nuttall@unep.org[6]

Isabelle Valentiny, Agent d’information au Bureau régional du PNUE pour l’Europe, par Tél. , ou par E-mail: isabelle.valentiny@unep.org[7]

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